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Un petit prof à Tolbiac

Même pas prof, enseignant vacataire à 39,90 euros de l'heure. Après un semestre à Dauphine, je fais pour la première fois un semestre à Tolbiac (Université de Paris 1 - Sorbonne).  9 cours hebdomadaires de 2 heures chacun pour apprendre à une douzaine d'étudiants à "Maîtriser son information". Je ne vais en dire que du bien car certains me lisent ! C'est très sympa, surtout parce qu'ils sont de cultures et de langues variées: il y a une Russe, un Chinois, un Turc, des Africains, des Maghrébins, etc.
Et c'est la deuxième semaine de suite que je me casse les dents à Tolbiac, pour cause de grève anti-CPE. La semaine dernière, les grilles étaient carrément fermées. Aujourd'hui ouvertes mais des piquets de grève devant les ascenseurs ne laissaient pas monter les étudiants. Pas eu vraiment le temps d'étudier s'il existait une alternative escalier! Ils m'ont laissé passer, je suis monté au 14e, personne dans les couloirs, salle fermée à clé. Voilà. Je m'étais levé à 6h30 pour être sûr d'être à l'heure.
On doit être plusieurs milliers comme çà en France, des "professionnels" comme ils disent, qui ont choisi, on ne sait pas très bien pourquoi, de donner de leur temps à la faculté pour enseigner de petits savoirs non académiques et partager quelques idées. On ne fait pas çà pour le fric, évidemment. On le fait pour de multiples raisons personnelles: les miennes sont de confronter mon point de vue à celui des jeunes et d'essayer de leur transférer une part de mon savoir-faire sur la gestion de l'information, tâche à laquelle la plupart d'entre eux, futurs cadres, consacreront la majorité de leur temps au travail. Et personne d'autre que moi ne les y prépare! Imaginez mon ambition!
Je suppose qu'en général, nous les "professionnels" qui font ce type d'enseignement, on aime le contact avec les jeunes, leurs interrogations, leurs réactions. On se valorise évidemment dans cette posture de prof mais une fois qu'on l'a oublié – ça vient très vite! - on n'est plus que dans le partage. C'est une grande chance, une joie même. Mon travail de journaliste, ma vie personnelle, se sont considérablement enrichis de ce contact.
Mais j'ai horreur de me casser les dents à un rendez-vous, de ne pas être prévenu et, surtout, de voir que tout le monde s'en fout. De nombreux profs d'Université sont manifestement blasés et se la jouent souvent perso. Certains comme Dominique Roux à Dauphine ou Michel Sollogoub à Paris 1 font des choses formidables, se démènent à la limite du possible et du légal administratif, avec des budgets ridicules.
Mais dans l'ensemble, je ne crois pas que l'Université française sorte grandie de tout ce fatras qu'elle subit depuis des années. Elle a d'ailleurs une réputation de plus en plus déplorable dans le monde, qui se détériore régulièrement au profit des grandes écoles françaises d'ingénieurs ou de commerce: la jeune chinoise, Yi, qui est chez nous en ce moment – et qui parle français couramment, grâce à 7 heures de langue par semaine dans son école chinoise - ne rêve évidemment que de faire
HEC, elle n'imagine pas une seule seconde poursuivre un cursus dans une fac française. C'est à L'Ecole Centrale que Pékin a demandé d'ouvrir une succursale, pas à l'Université française.
Les "professionnels", comme moi, fatigués de tout ce désordre inutile, vont, je suppose, suivre la même voie: quitter la fac et aller proposer leurs services aux grandes écoles…
En plus, j'habite Versailles et HEC est tout près: je n'aurais pas besoin de me lever à 6h30…
--source image: photo AP/Claude Paris--

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