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Manager de transition: bien gérer son transit


[Une chronique de Lucien Toscane à paraître dans un prochain magazine] - photo ci-dessous : Transit de VénusVous avez remarqué ? On ne dit plus qu’on est en interim, ou chargé de mission, ou consultant. Non, désormais, on est « manager de transition ». Un métier comme un autre, un peu risqué - c’est bon pour l’adrénaline - et très bien payé - encore meilleur pour le compte en banque. On change souvent d’employeur, par définition. L’avantage, c’est qu’on n’a pas le temps de se faire engueuler sur les dégâts qu’on a causés : on est déjà parti ailleurs. Que faites-vous dans la vie ? Moi ? Transit Man !





« Ecrire, c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait. »

Marguerite Duras




On peut transiter en gestion, en comptabilité, en finances, en RH. Pas de problèmes, il y a des besoins de transit un peu partout : faut que ça sorte ! En informatique, notamment, le transit est une formule prisée. Il y a en effet comme un parallèle à faire entre le haut débit de 0 et de 1 qui dégoulinent des réseaux d’ordinateurs de l’entreprise et le transit d’un manager qui passe en courant pour prendre quelques décisions, en général impopulaires, et qui repart aussi vite qu’il est arrivé.
L’important pour lui est de bien gérer son transit.
Quelques conseils : d’abord, lancer un audit qui dure des mois en expliquant aux auditeurs exactement ce qu’on veut comme conclusion, c’est plus simple et c’est moins cher ; ensuite, avant même d’en avoir reçu le bilan, il faut accuser l’héritage. Ces grands systèmes  propriétaires bichonnés par le directeur informatique qui vient de partir à la retraire, il faut les mettre à la casse chez Emmaüs immédiatement et les remplacer par des batteries de serveurs lame, qui portent si bien leur nom : ils coupent à perfection dans les budgets, les effectifs, les programmes. Combien de serveurs lame ? Pas de limite, c’est ça qui est formidable. Le bruit court que Google en aurait plus d’un million, entassés dans des bunkers enfouis dans le sous-sol, cachés dans le désert américain.
Ensuite, il faut externaliser, soit ce que vous savez tellement bien faire que ça finit par vous ennuyer, soit ce que vous ne voulez pas faire parce que ça vous ennuie, soit ce que vous ne savez pas faire et que vous n’avez pas envie d’apprendre. Si, avec une telle définition, il y a quelque chose que vous ne pouvez pas externaliser, y compris votre propre poste, c’est que vous êtes vraiment mauvais et que vous ne méritez pas ce transit si bien réglé.
Enfin, et surtout, il faut décourager les vieux et leur expliquer gentiment qu’ils sont des has been, que Cobol c’est moins bien que Java, qu’on ne dit plus minitel mais Web 2.0, programmes mais widget, télex mais texto.
Faites un blog pour mettre en scène ces quelques idées, c’est encore mieux. Demandez discrètement à votre réseau de connaissances Viadeo et autres Linkedin d’y multiplier les commentaires, pour vous faire rapidement grimper dans le ranking mondial des blogs de référence. N’écrivez surtout rien vous-même, vous risqueriez de dire des bêtises. Prenez des nègres de blogs, il y en a plein les couloirs. Le mieux, c’est les journalistes ou pubeux au chômage. Vous les payez des clopinettes et, en plus, ils sont contents de continuer à taper sur un clavier.
Quand sortir ? Ce sera la décision la plus délicate de votre transit. Celui qui attend trop sort amolli, victime de crises intestines; celui qui sort trop vite reste dur car il n’a pas eu le temps de digérer tout ce qu’il devait. Restez à l’écoute : un mauvais transit ne pardonne pas!

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