source photo : la formidable galerie flickr de noiselot
(PS: c'est pas moi sur la photo mais je l'adore!)
Je suis prof en fac et je dois vous l’avouer : j’adore les jeunes d’aujourd’hui ! Je sais, ça peut faire bizarre, le prof jeunophile, à l’époque de tous ces politiquement corrects qui s’enchaînent les uns aux autres et finissent par museler le discours et les idées, j’imagine les réactions, c’est qui se mec d’abord et qu’est-ce qu’il leur veut aux jeunes, j’appelle les flics moi s’il continue à les regarder comme çà ce monsieur– mais tant pis j’assume !
D’abord, je les trouve beaux, garçons et filles, ils ont de la gueule, à l’aise dans leurs fringues, j’ai l’impression qu’ils se tiennent plus droits que nous à leur âge, ils se la pètent, c’est des frimeurs , ça me fait marrer l’apparence qu’ils prennent quand ils déambulent, ils sont très attentifs à se faire bien voir, au sens littéral, on dirait des hérons de concours. Ca bouge bien quand ils marchent, y’ a comme une danse dans l’air , c’est des co-propriétaires de l’espace, ils s’y sentent bien.
Ensuite, c’est dingue ce qu’ils ont le regard naturellement insolent , ils te regardent comme un truc à bouffer, un produit low cost à consommer : qu’est-ce qu’y m’veut celui-là, à quoi va-t-il me servir ? Et malheur de toi si leur tête se détourne, c’est qu’ils t’ont zappé, pauvre zigouille, t’existes plus, t’es plus qu’une ombre sur le trottoir et tes larmes n’y pourront rien changer. Faut les accrocher très vite et très fort comme ces foutues pages web sur lesquelles ils ne restent que 3 secondes en moyenne. Faut que ça flashe si tu ne veux pas que ça washe, faut que ça tripe si tu ne veux pas l’exit.
Ils sont nuls en français, font des contresens incroyables même sur des mots que je croyais courants mais ils s’en foutent et, comme ils sont tous de la même nullité moyenne, ils se comprennent très bien entre eux ; d’ailleurs, je ne sais pas comment ils font, mais c’est sûr que les mots aujourd’hui n’ont plus la même importance, en ont-ils jamais eu d’ailleurs ? Les mots s’effacent derrière un geste ou un sourire. C’est la génération image et son. Comme dit le jeune écrivain et musicien Alessandro Barrico : « Il y a de la musique dans les mots ; mais la musique est plus forte, elle n’a pas besoin de mots. »
Ils ne sont pas mauvais en maths, ces jeunes, et surtout, d’une promo à l’autre, de plus en plus forts en sciences et en techno. Je le sais car je leur fais passer les mêmes tests chaque année, le laser où les gênes n’ont plus de secret pour eux. Mais ça tout le monde en parle : génération Y multimédia et tutti quanti… Les mauvaises langues disent que ça empêche de se concentrer, tous ces bidules branchés en même temps. Mais ils n’ont pas compris que ceux de la génération Y n’ont pas le cerveau câblé comme nous, ils sont des mutants du numérique, des hybrides en gestation. C’est leurs enfants qu’il faudra regarder avec attention !
Et puis d’abord, bande d’ignares, Einstein lui-même le disait : l’imagination c’est mieux que la connaissance.
Moi je les aime ces jeunes, c’est des voraces, ils ont de l’appétit, ça se voit, veulent bouffer la vie. Ils sont ciblés dans leurs envies et leurs questions, vont droit au but, z’aiment pas le superflu.
Ca ne les empêche pas de consommer à tout va, plus que nous à leur âge j’ai l’impression. Je ne sais pas comment font les filles pour avoir toutes les mêmes bottes au même moment, ça m’a toujours impressionné cette focalisation temporelle de la mode.
Les mecs sont plus bavards qu’avant, nous on se taisait pas mal où on disait des conneries en parlant fort, eux ils ont l’air de causer davantage entre eux, de manière sympathique et conviviale. C’est pas sûr qu’ils s’écoutent plus les uns les autres mais ils font bien semblant en tout cas et ça donne envie de faire partie de l’orchestre. Ils sont en train de jouer une nouvelle partition. Ca serait con de louper l’audition.
Et puis surtout la grosse différence d’une génération à l’autre c’est que filles-mecs ça se mélange sans vergogne et ça bouge plus qu’avant, les groupes se font et se défont au gré des tchats et des textos.
Alors, pitié, que les vieux cons se la ramènent pas, please, en se plaignant des jeunes d’aujourd’hui qui ceci qui cela, saute du mur et puis s’en va. Qu’ils aillent voir ailleurs cela, dans le cimetière des pleureuses éternelles.
Le seul petit reproche que je leur ferai, moi, c’est que je les trouve pas très drôles, ces jeunes, j’ai l’impression que nous on rigolait plus volontiers. Sont sérieux, quoi, pas beaucoup d’humour. Mobiles, ouverts, communiquants, voyageurs et polyglottes, mais sérieux comme des petits papes. Y’a le Sida qu’est passé par là et autres joyeusetés de la modernité sanglante. Nous en 68 on lançait des pavés en l’air en pensant qu’ils ne retomberaient jamais. Eux peut-être ont-il trop vu de tout trop tôt. En même temps qu’eux, avec eux, ou à cause d’eux, je ne sais pas, le temps s’est accéléré et tout s’est mis à changer très vite comme les images à l’écran. On aurait du leur dire que si les mots ne sont que des mots, les images c’est pire c’est même pas des images mais des caricatures, des mensonges. Entre réalité virtuelle et déformation médiatique, les repères et les structures, ça devient plus dur à trouver.
Mais je m’en fous, je suis définitivement piquousé aux jeunes, je revendique haut et fort ma jeunophilie et tant que c’est pas interdit par la loi - on ne sait jamais avec les légiféreurs fous qui nous gouvernent- tant que je pourrai les voir bouger et les entendre causer et please rire un peu plus, je continuerai à les aimer et à me sentir moins vieux.
Allez les jeunes !
(PS: c'est pas moi sur la photo mais je l'adore!)
Je suis prof en fac et je dois vous l’avouer : j’adore les jeunes d’aujourd’hui ! Je sais, ça peut faire bizarre, le prof jeunophile, à l’époque de tous ces politiquement corrects qui s’enchaînent les uns aux autres et finissent par museler le discours et les idées, j’imagine les réactions, c’est qui se mec d’abord et qu’est-ce qu’il leur veut aux jeunes, j’appelle les flics moi s’il continue à les regarder comme çà ce monsieur– mais tant pis j’assume !
D’abord, je les trouve beaux, garçons et filles, ils ont de la gueule, à l’aise dans leurs fringues, j’ai l’impression qu’ils se tiennent plus droits que nous à leur âge, ils se la pètent, c’est des frimeurs , ça me fait marrer l’apparence qu’ils prennent quand ils déambulent, ils sont très attentifs à se faire bien voir, au sens littéral, on dirait des hérons de concours. Ca bouge bien quand ils marchent, y’ a comme une danse dans l’air , c’est des co-propriétaires de l’espace, ils s’y sentent bien.
Ensuite, c’est dingue ce qu’ils ont le regard naturellement insolent , ils te regardent comme un truc à bouffer, un produit low cost à consommer : qu’est-ce qu’y m’veut celui-là, à quoi va-t-il me servir ? Et malheur de toi si leur tête se détourne, c’est qu’ils t’ont zappé, pauvre zigouille, t’existes plus, t’es plus qu’une ombre sur le trottoir et tes larmes n’y pourront rien changer. Faut les accrocher très vite et très fort comme ces foutues pages web sur lesquelles ils ne restent que 3 secondes en moyenne. Faut que ça flashe si tu ne veux pas que ça washe, faut que ça tripe si tu ne veux pas l’exit.
Ils sont nuls en français, font des contresens incroyables même sur des mots que je croyais courants mais ils s’en foutent et, comme ils sont tous de la même nullité moyenne, ils se comprennent très bien entre eux ; d’ailleurs, je ne sais pas comment ils font, mais c’est sûr que les mots aujourd’hui n’ont plus la même importance, en ont-ils jamais eu d’ailleurs ? Les mots s’effacent derrière un geste ou un sourire. C’est la génération image et son. Comme dit le jeune écrivain et musicien Alessandro Barrico : « Il y a de la musique dans les mots ; mais la musique est plus forte, elle n’a pas besoin de mots. »
Ils ne sont pas mauvais en maths, ces jeunes, et surtout, d’une promo à l’autre, de plus en plus forts en sciences et en techno. Je le sais car je leur fais passer les mêmes tests chaque année, le laser où les gênes n’ont plus de secret pour eux. Mais ça tout le monde en parle : génération Y multimédia et tutti quanti… Les mauvaises langues disent que ça empêche de se concentrer, tous ces bidules branchés en même temps. Mais ils n’ont pas compris que ceux de la génération Y n’ont pas le cerveau câblé comme nous, ils sont des mutants du numérique, des hybrides en gestation. C’est leurs enfants qu’il faudra regarder avec attention !
Et puis d’abord, bande d’ignares, Einstein lui-même le disait : l’imagination c’est mieux que la connaissance.
Moi je les aime ces jeunes, c’est des voraces, ils ont de l’appétit, ça se voit, veulent bouffer la vie. Ils sont ciblés dans leurs envies et leurs questions, vont droit au but, z’aiment pas le superflu.
Ca ne les empêche pas de consommer à tout va, plus que nous à leur âge j’ai l’impression. Je ne sais pas comment font les filles pour avoir toutes les mêmes bottes au même moment, ça m’a toujours impressionné cette focalisation temporelle de la mode.
Les mecs sont plus bavards qu’avant, nous on se taisait pas mal où on disait des conneries en parlant fort, eux ils ont l’air de causer davantage entre eux, de manière sympathique et conviviale. C’est pas sûr qu’ils s’écoutent plus les uns les autres mais ils font bien semblant en tout cas et ça donne envie de faire partie de l’orchestre. Ils sont en train de jouer une nouvelle partition. Ca serait con de louper l’audition.
Et puis surtout la grosse différence d’une génération à l’autre c’est que filles-mecs ça se mélange sans vergogne et ça bouge plus qu’avant, les groupes se font et se défont au gré des tchats et des textos.
Alors, pitié, que les vieux cons se la ramènent pas, please, en se plaignant des jeunes d’aujourd’hui qui ceci qui cela, saute du mur et puis s’en va. Qu’ils aillent voir ailleurs cela, dans le cimetière des pleureuses éternelles.
Le seul petit reproche que je leur ferai, moi, c’est que je les trouve pas très drôles, ces jeunes, j’ai l’impression que nous on rigolait plus volontiers. Sont sérieux, quoi, pas beaucoup d’humour. Mobiles, ouverts, communiquants, voyageurs et polyglottes, mais sérieux comme des petits papes. Y’a le Sida qu’est passé par là et autres joyeusetés de la modernité sanglante. Nous en 68 on lançait des pavés en l’air en pensant qu’ils ne retomberaient jamais. Eux peut-être ont-il trop vu de tout trop tôt. En même temps qu’eux, avec eux, ou à cause d’eux, je ne sais pas, le temps s’est accéléré et tout s’est mis à changer très vite comme les images à l’écran. On aurait du leur dire que si les mots ne sont que des mots, les images c’est pire c’est même pas des images mais des caricatures, des mensonges. Entre réalité virtuelle et déformation médiatique, les repères et les structures, ça devient plus dur à trouver.
Mais je m’en fous, je suis définitivement piquousé aux jeunes, je revendique haut et fort ma jeunophilie et tant que c’est pas interdit par la loi - on ne sait jamais avec les légiféreurs fous qui nous gouvernent- tant que je pourrai les voir bouger et les entendre causer et please rire un peu plus, je continuerai à les aimer et à me sentir moins vieux.
Allez les jeunes !
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