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Bien se préparer à un monde dominé par la Chine: comprendre les trois sagesses chinoises

Zeus, Titans, Grecs, Romains, Turcs, Arabes, Occidentaux, Américains, Russes... De tous temps, certains dieux, hommes, peuples et continents ont dominé la planète.
Aujourd'hui, c'est la Chine.
Chacun se prépare comme il peut à cette nouvelle ère, plus sûre que la fin du monde: moi, je suis allé deux fois à Shanghai, j'apprends le taichi, ma fille parle Chinois...
Et il faut lire:
Les Trois sagessses chinoises, de Cyrille D. Javary.
Ce n'est pas un scoop, il est sorti depuis longtemps mais quand vous le refermerez taoïsme, confucianisme et bouddhisme chinois n'auront plus de secrets pour vous.
Pour les flemmards, j'en ai écrit un petit-résumé, ci-dessous:
Les trois sagesses chinoises
De Cyrille D. Javary
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Introduction
Le mot « Dieu » n’existe pas en chinois classique, de même que le mot « religion » : voilà pourquoi taoïsme, confucianisme et bouddhisme, réunis par l’expression san jiao, qui veut dire « enseignement ancestral » sont plutôt des « sagesses »
- le confucianisme n’est pas une religion, c’est un enseignement de la vertu ;
- le taoïsme est un ensemble de pratiques de longue vie avec des aspects religieux ;
- le bouddhisme, philosophie de l’existence importée des Indes est ce qui ressemble le plus à une religion organisée à dominante monastique.
Mais ce sont plutôt des enseignements sur la signification ultime de la vie de l’être humain et des modèles d’existence.
- Yi Jing, le Classique des changements = grand livre du yin et du yang avec sa phrase culte : « un yin, un yang, cet ensemble est appelé fonctionnement »
- yin = adret, versant sud de la montagne ; nuit ; froid ; hiver ; lune donc lunaire, nocturne, mystérieux, intérieur, privé
- yang = ubac, versant nord ; jour : chaleur ; été ; soleil donc solaire, diurne, visible, extérieur, social
- taoïsme versant lunaire de l’âme chinoise ; confucianisme versant solaire

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LE TAOISME
- taoïsme = école du dao (la Voie) = conduite juste
- origine chamanique, le culte de la nature
- taoïsme populaire (forme extérieure de religion) et taoïsme lettré
- à partir du texte le Dao De Jing (Tao Te King)  , attribué à Laozi (Lao-Tseu) censé avoir vécu au Vè siècle avant notre ère mais qui n’a probablement jamais existé ;
- Dao De Jing = le livre en 5000 caractères ou encore Classique de la Voie et de la Vertu; 81 chapitres, 60 mots en moyenne par chapitre (81 manifestation de la puissance du 9, emblème de la culmination du yang) ; difficile à interpréter avec des passages contradictoires sur la peine de mort ou la justice
- infinie dévolution au yin
- attention accrue au vide, à l’absence et à son unité profonde
- pas réellement de mot « être » en chinois classique : les questions de l’être, de son essence propre, de son opposition ontologique au néant qui sont des sujets fondamentaux de l’Occident, ne sont pas au cœur de l’esprit chinois
- le néant physique en tant qu’absence totale d’éléments n’est pas très chinois : les Chinois découvrent le zéro des Indiens au 8e siècle et ils le baptisent ling « pluie extrêmement fine » ; pour eux, il n’y a pas grand chose mais il y a quelque chose quand même
- conception de la vie = alternance ; le fonctionnement des choses, tout ce qui existe sur terre, existe en vertu d’un passage de l’invisible vers le visible, lui-même simple écho du chemin inverse, passage du visible vers l’invisible
- phrase clé = chapitre 42
"le fonctionnement des choses vit suivant un principe unitaire
cette unité primordiale vit selon un rythme binaire
cette dualité musicale vit grâce aux souffles médians
cette triplicité globale vit dans l’innombrable totalité des choses"
- chapitre 60: « on gouverne un pays comme on cuit des petits poissons »
- non pas « agir par le non-agir » comme est souvent résumé le taoïsme mais plutôt gouverner sans forcer les choses, faire ce qu’il faut mais pas plus : «  ce qu’il y a de plus tendre au monde gagne à la longue sur ce qu’il y a de plus solide »
- recherche de la jouissance la plus longue possible du bonheur d’être en vie parce que la longue vie est l’apanage de la nature qui renait sans cesse
- Laozi n’est pas un nom mais un programme de vie qui veut dire littéralement « honorable maître » ou « vieil enfant » : passer du lao au zi, réussir à faire revenir le printemps, transformer ce qui était devenu  vieux, rigide, hiver, le lao, en quelque chose redevenu jeune, souple, printemps, le zi
- l’ermite taoïste s’installe au sommet d’une montage pour s’approcher au plus près du fonctionnement naturel du vivant ; il devient un « être-montagne » : son cœur apaisé est aussi indifférent aux passions humaines que le sommet de la montagne aux nuages qui s’y cognent : vaincre la mort n’est pas le but du taoïste.
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Les disciples
- Zhuangzi, maître Zhuang (365-285 avant notre ère) ; figure essentielle du taoïsme, auteur de l’ouvrage de référence qui porte son nom ; il prône l’ascèse psychique, le jeune du cœur pour atteindre l’extase et baigner dans le dao ; il rêve qu’il est papillon et quand il se réveille il se demande s’il est Zhuangzi rêvant qu’il était un papillon ou bien un papillon rêvant qu’il était Zhuangzi
- Liezi, maître Lie, 3e grande figure, auteur de l’ouvrage Vrai Classique du Vide parfait
Le taoïsme religieux
- Zhang Daoling invente de religion taoïste (1er siècle ap JC) : il transforme la philosophie de départ en religion avec des dieux et de lieux de culte ; la maladie est le fruit d’un mauvais comportement et on peut s’en guérir par des confessions publiques et des bonnes œuvres ; organisation d’églises et de clergés, proche de société secrètes, voire de sectes ;
- taoïstes religieux : millénaristes et pratiquant les arts martiaux, prédisant une apocalypse purificatrice, souvent à la tête de révolte populaires  (comme les moines bouddhistes) ;
- accent mis sur l’engagement volontaire individuel plutôt que sur les liens familiaux et le respect des autorités civiles ;
- souvent suspects aux yeux des autorités.
Néotaoïsme, école du mystère
- réaction au taoïsme religieux
- figure : Wang Bi (226-249) qui commente les textes et les oriente vers la dépréciation du yin ce qui aboutira à la dépréciation des femmes et à des coutumes horribles comme leurs pieds bandés.
Des conquêtes à aujourd’hui
- conquête mongole du 13e siècle avec dynastie Yuan puis retour des Chinois dynastie Ming (15e) avec Yong (cité interdite, mont Wudang, centre des arts mariaux taoïstes) ; puis Mandchous (17e) avec dynastie Qing ; etc. ; à chaque fois les taoïstes sont plus ou moins bien considérés
- après Mao, retour officiel du taoïsme

LE CONFUCIANISME
- 3 niveaux :
* Confucius (551-479 av. JC) auteur du livre Entretiens ou Lun Yu
* les confucéens : adeptes de ses principes
* le confucianisme : morale d’Etat avec respect de l’autorité et obéissance à la hiérarchie qui existera tout au long de l’histoire jusqu’au 20é siècle
- Confucius, fondateur de la première école privée du monde (-500) , basée sur l’humanisme et l’exigence morale ; enterré avec tous ses descendants au nom de famille Kong dans un lieu magique, la forêt des Kong, 200 ha, 200 000 tombes ; sa généalogie est connue jusqu’à aujourd’hui : son 77e descendant en ligne directe Kong Decheng vit actuellement à Taïwan
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- Les Entretiens : le maître-mot du livre est  « étudier » ; il s’agit d’une compilation de ses enseignements faite par ses disciples et publiée 75 ans après sa mort ; pas de grande réflexion philosophique (ce qui inspira le mépris de Hegel) mais un matériel didactique.
Méthode socratique. Enseignements  à propos de petits faits observés: « regardez cet oiseau qui s’envole et sait où  se poser; pourquoi l’homme ne fait-il pas pareil ?»
- Le désir de s’améliorer sans cesse n’est pas la recherche de la performance mais plutôt le désir de développer son aptitude à faire le bien ; ce devoir d’humanité contient toutes les attitudes et pensées à cultiver envers les autres : l’amour d’autrui, le respect, la piété filiale, la sincérité, l’observance des rites, etc.
- Besoin du rite, des grandes cérémonies pour les ancêtres : le rite pour les ancêtres réunit et  renforce les vivants.
- Confucius ne se préoccupe pas de savoir si l’être humain est naturellement bon ou mauvais : il est perfectible
- Il redonne une nouvelle signification à yun zi qui voulait dire « fils de noble » ou « noble sire » et cela devient le statut auquel le disciple de Confucius peut accéder et qui peut se traduire par « être accompli »
- Il rejette : les idées en l’air, les dogmes, l’obstination, le moi.
- Il prône la responsabilité personnelle.
- On reproche à Confucius sa misogynie…
Les grands continuateurs
- Mengzi (Mencius) (env. 380-301): moraliste rigoureux, exige du politique un gouvernement vertueux et redevable vis-à-vis du peuple
- Xunzi (env. 300-215) : plus pessimiste
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- Quin Shi Huangdi (-200), le premier empereur (la fameuse armée de terre cuite), fait brûler tous les livres menaçants le régime dont les livres confucéens
A travers les siècles
- Dynastie des Han (206 av JC – 212 ap. JC) : légitime les confucéens
- Ensuite le culte de Confucius sera organisé en culte d’état pendant 2000 ans
- 500 ap.  JC : confucianisme relégué au profit du taoïsme et du bouddhisme
- Dynastie des Tang (619-907) : les 3 sagesses coexistent difficilement
- etc.
Epoque moderne
- 1919 : « à bas la « boutique » de Confucius !» crient les révolutionnaires
- 1977 : retour au pouvoir de Deng Xiaoping qui réhabilite Confucius.
- Depuis quelques année : très en vogue avec des écrivains bestsellers comme Yu Dan dont le livre en chinois s’intitule « Ce que j’ai appris du Lun Yu » (10 millions d’exemplaires), traduit en français par « Petit manuel de sagesse universelle »

LE BOUDDHISME
- venu des Indes via l’Afghanistan à cause des chevaux afghans, très prisés dans le commerce ; profite des périodes troublées de la Chine pour s’implanter via les moines prêcheurs
* Trois Royaumes (220-265)
* Six Dynasties (265-316)
* Seize Royaumes (304-439)
* Neuf Dynasties du Nord et du Sud (420-589)
- création de monastères solides, refuges, accueillant tout le monde
Historique et contenu
- né en Inde au début du 5e s. av. JC, basé sur :
* le samsara, doctrine de la transmigration des âmes, selon laquelle tous les êtres vivants et les dieux sont engagés dans un cycle incessant de renaissances.
* le karma, loi de la rétribution qui postule que chaque acte, bon ou mauvais, a une conséquence.
- tout se décompose et se recompose sans cesse.
- le bouddhisme refuse le système des castes, c’est la « Voie du milieu ».
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- Bouddha (en sanskrit = éveillé) = Sidharta Gautama, prince népalais (560-480) et ses Quatre Nobles Vérités :
* la douleur est consubstantielle à la vie ;
* la douleur a une cause qui est le désir, la soif d’existence ;
* la douleur peut être abolie en éteignant ce qui la cause ;
*le nirvana est une délivrance de la douleur qui consiste à extirper en soi le désir de vivre ce qui délivre de la roue des transmigrations.
Le nirvana s’obtient en suivant, vie après vie, le « Noble Sentier octuple », les 8 voies correctes d’existence comme : moralité extérieure, concentration intérieure, discipline mentale, percevoir l’illusion de la réalité du monde et son caractère fondamentalement soumis au changement ; ce dernier point sera une porte d’accès du bouddhisme à l’esprit chinois formé à la continuelle transformation du yin-yang.
- observer le célibat, n’accomplir que de bonnes actions, pratiquer la contemplation méditative, répéter indéfiniment le nom de Bouddha permettent d’acquérir des mérites et d’avancer sur le chemin de la délivrance = moines
-la sangha, 3e pilier du bouddhisme : communauté qui réunit religieux et laïcs
Division
- au tournant de notre ère, le bouddhisme se divise en deux :
* voie originelle, Theravada, voie étroite, réservée aux saints; appelée par dérision Hinayana ou le Petit Véhicule ;
* voie nouvelle, large, universelle : Mahayana, Grand Véhicule = universalité du salut et intériorité du sage.
- le bouddhisme à l’origine philosophie de la délivrance, devient, au cours de ses pérégrinations, religion du salut universel.
- bodhisattva : sur le point (satwa) de devenir un éveillé (bodhi), sorte de saint qui renonce au nirvana pour continuer à aider les autres.
- dharma : enseignement du Bouddha.
Apports du bouddhisme à la Chine
 - la compassion : idée nouvelle en Chine, jamais citée par Laozi ni Confucius ; en chinois le caractère bei qui évoque cette compassion n’évoque pas la souffrance commune mais uniquement ce qui pousse à y remédier, c’est ce qui retourne le cœur ;
- conception nouvelle de la justice sociale et de l’au-delà : l’idéal confucéen n’est pas suffisant à assurer le repos de l’âme dans l’éternité ;
- respect de toute forme de vie : on suit un régime végétarien d’où le développement d’un art culinaire spécifique !
- statues des dieux : pas de statues avant le bouddhisme ;
- monastères d’un type nouveau, caractérisés par une étroite relation entre laïcs et religieux
- autonomie par rapport au politique : fin du 4e le moine bouddhiste Hui Yuan dit au ministre Huan Xiun que désormais les moines ne se prosterneront plus devant l’empereur.
- femmes moines : à voir aussi comme un axe de liberté pour les femmes de l’ époque.
Un panthéon de bouddhas : 
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- Milefo: le bouddha rieur (Maitreya en sanskrit) et bouddha du futur
- Budai : faiseur de miracles, excentrique
- Guanyin: la compassion (Avolokitesvara)
- Amituo: représentant du bouddhisme de la Terre Pure, réincarnation dans un monde parallèle, un paradis (Amitabha)
- Wenshu: l’enseignant, le sage (Manjusri)
- Puxian: le protecteur (Samantabhadra)
- Dizang: mansuétude, générosité (Ksitigarbha)
- arhats : disciples du Bouddha, ont eux aussi atteints le nirvana : luohan en chinois
Le Chan
- forme la plus chinoise du bouddhisme = zen japonais
- sous l’impulsion de Bodhidharma (env. 470 -543) venu en Chine, fils d’un roi indien, en méditation devant un mur pendant 9 ans
- le thé, cha, est arrivé en Chine avec les missionnaires bouddhistes ;
- développement des arts martiaux : le monastère de Shaolin ; d’où participation à des révoltes ou des guerres (620).
Le lamaïsme tibétain
- Il s’est développé sous la dynastie Manchoue, les Mandchous pratiquant un bouddhisme proche du tantrisme tibétain.
Conclusion
- François Cheng : « Le Chinois est un être de relations »
- les trois sagesses ont en commun de nous inviter à accroitre notre responsabilité, à développer notre capacité à répondre aux situations par une attitude appropriée .
- les différences sont dans les domaines d’application :
* le confucianisme, c’est la rectitude : il met l’accent sur la responsabilité au niveau social et incite à une bienveillance envers autrui.
* le taoïsme c’est la sensibilité : il est plus porté sur la responsabilité au niveau vital et se manifeste en yin par une attitude accueillante envers son corps et en yang par le respect de la nature.
- le bouddhisme  c’est l’apaisement : il souligne l’importance de la responsabilité individuelles des actes et la nécessité d’acquérir des mérites ; il favorise une attitude de compassion envers toutes les formes vivantes
- Fang Dongmei, philosophe contemporain : « Je suis confucéen par tradition familiale, taoïste par tempérament, bouddhiste par inspiration religieuse et Occidental par formation »…

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