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La poésie c'est zen!

J'écris de la poésie depuis toujours et, depuis quelque temps, je m'intéresse au zen. Je trouve aux deux univers beaucoup de similitudes.
Déjà, les quatre principes du zen, tels qu'exprimés par Daisetz Teitaro Suzuki dans Essais sur le bouddhisme zen, s'appliquent bien à la poésie.
1/ Premier principe : "Le zen se dirige directement vers l'âme de l'homme". De même, pour moi, la poésie est une transmission directe de l'âme, une transmission brute, sans intermédiaire, sans chichis. En elle-même, la poésie est l'expression à la fois la plus profonde et la plus simple de l'âme. Pas de marketing, pas de pub, pas de préjugés, pas d'arrière-pensée, pas de filtre dans la poésie.
2/ Deuxième principe: "La transmission du zen se fait en dehors des écritures". Ce que Suzuki veut dire c'est que le zen est au-delà des mots, il n'y a pas de Bible du zen. On est zen sans avoir besoin de références écrites. Pareil pour la poésie ! Certes la poésie a besoin du langage pour s'exprimer, en tout cas quand elle veut laisser une trace. Mais après tout le zen aussi : on peut être zen sans mots mais on a besoin des mots pour expliquer le zen. Et surtout l'instant, l'extase poétiques existent sans langage. J'ajouterai que le zen se transmet à l'oral, de même que je n'aime vraiment la poésie que quand je peux la déclamer ou l'entendre à voix haute.
3/ Troisième principe: "Le zen n'a pas de dépendance à l'égard des mots et des lettres". Le zen n'est pas un processus intellectuel mais quelque chose de plus haut. Idem pour la poésie qui n'est pas qu'un langage, mais un état d'esprit qui n'a pas besoin de l'intellect. Les intellectuels ne peuvent pas être poètes. On assimile volontiers la poésie à tel ou tel poème, et donc à une manifestation écrite, à un langage. Mais la poésie s'affranchit de tous les codes de grammaire et de syntaxe, elle pourrait s'exprimer sans mots, dans le silence. J'ai fini par publier mon recueil de poèmes Amavero sans un seul signe de ponctuation, d'abord parce que cela s'est peu à peu imposé à moi, au fil des années,  et ensuite pour que chacun puisse le lire à sa guise. Bon, d'accord, Apollinaire , pour Alcools, avait suivi la même démarche avant moi  (et je ne l'ai su qu'il y a peu de temps) !
4/ Quatrième principe: "Le zen cherche à contempler sa propre nature pour réaliser l'état de Bouddha"; de même, la poésie se nourrit de la nature du poète pour tendre vers l'universel. La transmutation de l'état d'âme particulier d'un individu poète en langage qui parle au coeur de tous est le grand mystère alchimique de la poésie.
Au-delà de ces quatre principes, je trouve plein de points communs, je les cite dans le désordre.
1/ Le pilier du zen c'est l'illumination. Quand j'arrive à exprimer dans un poème ce que je ressens au plus profond de moi, je ne suis probablement pas loin d'une sorte d'illumination. Et comme il est aussi difficile de définir l'illumination du zen que celle de la poésie, je n'irai pas plus loin ! Une sensation de plénitude, de moment long et calme hors du temps...
2/ La seule vraie différence apparente entre la poésie et le zen est que la poésie a évidemment tendance à se matérialiser en mots, à passer à travers les mots, qui ne sont qu'un vecteur, alors que le zen peut se vivre pleinement sans mots. En ce sens, le zen est supérieur à la poésie, comme l'est la musique, selon Alessandre Barrico: "Il y a de la musique dans les mots, mais la musique est plus forte: elle n'a pas besoin de mots." Mais, encore une fois, il peut y avoir poésie dans une méditation, dans une contemplation de la nature, dans l'écoute d'une musique, dans un regard, à partir du moment où l'on considère la poésie comme un vecteur de l'émotion esthétique.
3/ Il y a dans le zen une profonde remise en cause du langage. Selon D.T. Suzuki : "Le langage est le produit de la dépendance causale, sujet au changement, sans fermeté, mutuellement conditionné, et fondé sur une fausse évaluation de la véritable nature de la conscience". Linguistes, grammairiens et sémiologues, passez votre chemin ! Dans le zen, comme dans la poésie, c'est l'esprit qui possède le pouvoir de l'intuition et c'est l'intuition qui conduit à l'illumination. Cette méfiance du zen par rapport au langage, je la retrouve complètement dans la poésie. Moi, poète, je veux dire les choses comme je les ressens, le plus simplement possible, en espérant à la fois que personne ne l'a dit comme moi et que tout le monde me comprendra. Je creuse, je biffe, je rature, j'épure et je cherche l'écho...
4/  J'adore le principe de vacuité dans le zen. Vacuité qui n'est pas vide, ni vanité, bien au contraire, aurai-je envie de dire... Je ne vais pas oser définir le concept de vacuité dans le zen mais je dirai simplement que je le sens assez bien quand on me dit que dans la vie tout n'est pas noir ou blanc, vide ou plein, bon ou mal, bref que tout ne peut pas se définir par la vision dualiste du matérialisme, par une forme. Par exemple, le jour et la nuit nous paraissent deux choses clairement opposées. Mais quand finit le jour et quand commence la nuit ? A quelle milliseconde près? Et tout ce qui existait dans le jour, existe-t-il encore la nuit? etc. Bref, la vraie réalité est celle peut-être de la non-forme, de l'invisible, de l'énergie,...  de l'âme. Et c'est bien cette réalité-là que vise la poésie.
5/ Chacun peut dire ce qu'il veut sur le zen, comme sur la poésie. Alors, je me lance: moi, je vois dans le zen une façon de s'apaiser, d'accepter sa souffrance et de chercher le bonheur. Pour soi et pour les autres. On ne peut apporter la paix aux autres si on n'est en paix avec soi-même. Et écrire de la poésie me fait le même effet, cela me met en paix avec moi-même et me mène vers le bonheur. Et ceux qui me liront connaitront peut-être cette paix et ce bonheur. Si oui, je serai le plus bouddha de tous les bouddhas !
PS: tout le monde aura vu que je ne parle pas des haikus, qui sont pourtant le symbole de la réunion du zen et de la poésie. Mais, pris tout à coup d'un crise de purisme, j'ai le sentiment que le haiku ne peut être que japonais et qu'écrire des haikus en japonais en reprenant la versification 5-7-5 est une mauvaise imitation.

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