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La voie du poète est la voix de l'invisible

C'est un thème que je reprends dans mes poèmes, même si je me garde de trop revenir dessus (car s'interroger sur ce que nous écrivons fait-il vraiment avancer le schmilblick?) : le poète essaie toujours de passer entre les lignes, derrière le miroir, de se faire l'écho du non-dit, de la demi-teinte; il construit une autre vérité, une autre réalité qui n'est pas celle des mots mais celle de la voix intérieure qui lui dit d'avancer seul dans sa direction, de trouver ailleurs, encore plus loin,  la résonance de ce qui l'agite. Et toujours à la recherche de la beauté.
C'est un peu le sens de ce poème publié dans Galerie Amavero avec comme illustration ce formidable tableau de Ferdinand Hodler qu'on peut regarder pendant des heures...

invisible

Ferdinand Hodler
Lac de Thoune avec réflexion symétrique
au lever du soleil
(1904)

je suis le courant abyssal 
portant la mer sur ses épaules
je suis la rosée du matin
avant sa première perle
je suis la racine de l’arbre 
qui le pousse vers le ciel
je suis le murmure des feuilles
pénétrant la peau
comme une perfusion de douceur

mon pollen donne la vie à tout être
mes parfums enivrent les âmes
unies dans le même souffle
ma tristesse façonne l’esprit
pour le fortifier
mes désirs vibrent à l’unisson
comme les cordes de la harpe
mes ondes créent l’arc-en-ciel
de lumière sur la voûte du chemin

je suis le vent de toutes les colères
et de l’amour aussi
je suis l’aiguille de l’horloge des cœurs
et quand mes rêves construisent 
la réalité du silence
je suis l’impossible pensée avant les mots

je suis le destin la peur 
la mort
je suis la beauté 
née avant toute chose
avant même 
la gravité de l’univers

Texte de Luc Fayard illustré par le tableau Lac de Thoune avec réflexion symétrique au lever du soleil, de Ferdinand Hodler.

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